Comprendre nos environnements numériques est la condition même de notre liberté
Publié le 19 09 2022 | Mis à jour le 10 11 2024
A l'heure de la société du spectacle et de l'infobésité, nous devons développer une culture du commentaire. Apprendre à lire et interpréter les informations qui nous assaillent, pour ne plus les subir mais reconquérir notre libre arbitre et notre vision du temps long. Explications avec le philosophe Pierre-Antoine Chardel.
Pourquoi est-il si difficile d'appréhender les technologies numériques qui nous entourent ?
Pierre-Antoine Chardel : Prendre le temps de comprendre les systèmes et de les questionner est en contradiction avec le temps et la vitesse de déploiement des technologies numériques. On est ainsi plutôt fasciné par elles, et donc on ne les questionne pas. C'est un peu comme si en étant sidérés par la lumière de nos écrans, on ne voyait rien d'autre. Cet effet de captation de l'attention des écrans a été décrit par Barjavel dont le texte sur la télévision, Le cinéma total, a été adapté au cinéma en 1947 dans le film La télévision œil de demain. Il imaginait un futur où les Hommes seraient en permanence happés par des télévisions portatives qui capteraient leur attention et bouleverseraient leurs vies sociale et intime, les espaces publics et privés, etc. Il avait anticipé nos téléphones portables connectés, cinquante ans avant leur diffusion !
Ensuite, bien que le numérique portait la promesse de faciliter la production d'informations par ses utilisateurs, et pas uniquement la réception de celles-ci comme avec la télévision et la radio, dans les faits, nous sommes plutôt saturés d'information et de données. Nous n'exerçons pas notre pouvoir de production de sens ; nous devenons de simples spectateurs d'informations façonnées et écrites pour nous, et donc partiales.
Enfin, on ne rencontre jamais la technologie seule mais avec des régimes de discursivité qui la soutiennent et la légitiment. Pensons aux discours sécuritaires qui prônent la surveillance ubiquitaire par exemple. Faire preuve de discernement demande alors un travail critique et réflexif d'autant plus important.
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